LUDOVIC NOTTE
Une tombe à glaive à Ronchin (Nord)
Au Ier siècle de notre ère, la pratique du dépôt d'armes dans les tombes de Gaule Belgique tend à se raréfier et à se concentrer dans les cités proches du Rhin. La tombe 6 de la nécropole du « Champ du Chêne » à Ronchin (Nord), reste à ce jour la manifestation la plus occidentale du phénomène. La sépulture fouillée en 1972, sans être totalement inédite, n'a fait l'objet d'aucune véritable publication1,, et reste ignorée des études sur les tombes à armes2. L'ensemble du mobilier de la tombe ayant été déposé au Musée de l'Hospice Comtesse, il a été possible de mener la présente étude3.
Dans l'Antiquité, le territoire de l'actuelle commune de Ronchin relevait de la Civitas Menapiorum4, et était peut-être traversé par le compendium Minariacum (Estaires) - Turnacum cité par l'Itinéraire Antonin.
Les découvertes anciennes sur le territoire de la commune ont été cataloguées et situées par Léon Delemotte5, les principaux sites sont :
- 1. Carrefour du Cerf 1 834 : vases (nécropole ?) : Delemotte 1974 n° I.
- 2. Le Cerf 1867 et 1868 : sépultures Ier s. (monnaie de Néron) : Delemotte 1974 nos II et III. (= Rigaux dans B.S.H.L.N. I, 1869 p. 20 et B.C.H.N. XI, 1871, p. 10-12).
- 3. Carrefour Destoop 1899 (?) : Delemotte 1974 n° IV (= B.C.H.N. XXII, 1900, p. 229 et 232).
- 4. La Justice 1962 : six monnaies (de Néron à Marc-Aurèle) dans une bouteille de verre (sépulture ou trésor ?) : Delemotte 1974 n° VI (= Gricourt J. dans
Revue du Nord, 48, 1966, p. 633-634 : nos 96-100).
- 5. Champ du Haut Moulin 1963-1964 : fossé, sol et sépultures (?) i-ne s. : Delemotte 1974 n° VII (= Léman 1967, p. 729-730) ; monnaie du Haut-Empire (Delmaire R., Revue du Nord 70, 1988, p. 200).
- 6. Champ du Chêne (ou Chêne perdu ?) : fouilles A. Lejeune : une vingtaine de fosses (céramique du Ier s.), une construction maçonnée (bassin de décantation ?) et deux groupes de tombes : Delemotte 1974 n° IX (= Calonne et Lejeune 1972 ; Lejeune 1973).
Aucune découverte n'est attribuable au Bas-Empire alors qu'au Haut-Empire, le nombre des sites (surtout les nécropoles) révèle une occupation diffuse, et attestée aux marges du terroir actuel.
Les découvertes au Champ du Chêne qui nous intéressent ici, effectuées au cours de l'avancement de l'exploitation de l'argilière Ladrière sont multiples mais semblent pouvoir être datées dans leur majorité du Ier s. ap. J.-C. Les fosses et la « citerne » découvertes lors des fouilles de sauvetage l'ont été à l'écart des deux groupes de tombes, mais la datation des céramiques (gallo-belges et sigillées) qu'elles recelaient indique leur contemporanéité. Il n'est pas facile d'interpréter ces structures isolées — André Lejeune pensait que l'occupation était liée à l'exploitation même de l'argile — , ni de reconnaître le type d'habitat qu'elles supposent, mais il est vraisemblable que toutes participent d'un même ensemble.
La fouille de sauvetage menée par André Lejeune a mis en évidence deux groupes de tombes distants d'une trentaine de mètres6. Les conditions du sauve-
1. — Mention dans Gallia 1973, p. 315 (il n'y a toutefois qu'une fibule et non deux) et photo de la reconstitution de la tombe et de l'épée dans Jessu 1977, p. 38-39 et pi. II et III.
2. — La tombe n'est pas connue de Feugère 1996 : carte p. 166 (les découvertes du Nord de la Gaule sont reprises de Van Doorselaer 1965 et 1967), mais est reprise par Roymans 1996, fig. 6 et appendice I nc 30 (d'après la notice parue dans Gallia).
3. — Les objets sont actuellement au Service archéologique de la ville de Lille. C'est à Mme Catherine Monet, archéologue municipale de Lille, que je dois d'avoir pu approcher et étudier ce mobilier. M. André Lejeune, responsable de la fouille et du rapport, m'a obligeamment permis de publier la tombe et d'utiliser toutes les informations du rapport
de fouilles. Enfin M. Michel Feugère a bien voulu annoter une première version de ce travail.
4. — On se reportera pour les limites avec la cité des Atrébates à Delmaire 1990, p. 714-716 (rappel des hypothèses) et p. 716-717 (discussion) : la limite la plus proche avec la cité des Atrébates devait ou correspondre aux limites diocésaines médiévales ou plus probablement au cours de la Basse-Deûle. Delmaire 1997, p. 67 ajoute une pièce au dossier : la présence d'un ruisseau de Guérondelle à Coutiches.
5. — Delemotte 1974, p. 15-19. Seules sont reprises ici les découvertes les plus importantes. Pour une vue exhaustive se reporter maintenant à Delmaire 1997, notice 507.
6. — Toutes les données sur la nécropole sont tirées du rapport d'André Lejeune : Lejeune 1973.
ARCHEOLOGIE DE LA PICARDIE ET DU NORD DE LA FRANCE (REVUE DU NORD, T. LXXIX, 1997, N° 323, P. 153-160)
